Stratégie de prévention des bronchiolites à VRS des nourrissons

Stratégie de prévention des bronchiolites à VRS des nourrissons
Avis des Sociétés Savantes Françaises de Pédiatrie 

Les infections à VRS touchent l’ensemble de la population et tous les enfants y sont exposés avant 2 ans. Si l’infection à VRS est majoritairement bénigne chez le nourrisson et l’enfant, en phase épidémique, elle représente la première cause d’hospitalisation et de passage aux urgences en pédiatrie. La bronchiolite est loin de résumer la pathologie à VRS de l’enfant mais elle est le meilleur marqueur de l’épidémie annuelle. La majorité des nourrissons hospitalisés pour bronchiolite aiguë à VRS sont des nourrissons nés à terme, sans comorbidité, et sont âgés de moins de 6 mois. Même si l’intensité et la durée des épidémies peut varier d’une année sur l’autre, le phénomène épidémique automno-hivernal est prévisible et met en difficulté chaque année l’ensemble du système de soins pédiatrique en France. Ceci a été particulièrement intense pendant l’automne 2022, à la sortie de la dernière vague épidémique COVID-19, à une période où l’ensemble du système de santé était déjà en souffrance (Figure 1). Il n’existe pas aujourd’hui de thérapie à visée curative efficace de l’infection à VRS et son traitement n’est donc que symptomatique. Seules les mesures de prévention sont actuellement envisageables pour réduire le fardeau de cette maladie, comme par exemple les mesures d’hygiène simples et de bon sens publiées par SPF en novembre 2022 (Tableau 1) dont l’objectif est de diminuer le risque de transmission et donc d’infection des nourrissons les plus jeunes et les plus fragiles. Ces mesures sont aussi efficaces quel que soit le virus respiratoire.

Une stratégie complémentaire de prévention est disponible chez les enfants les plus vulnérables depuis plus de 20 ans et repose sur un anticorps monoclonal anti VRS, le Palivizumab, qui a démontré un niveau acceptable d’efficacité préventive vis à vis des formes les plus sévères (hospitalisations et passage en réanimation). La fréquence des injections nécessaires (une injection intramusculaire par mois pendant toute la durée de la saison épidémique) ainsi que son coût élevé l’a fait réserver aux nourrissons grands prématurés avec séquelles respiratoires les plus à risque et aux enfants porteurs de cardiopathies avec shunt. Un nouvel anticorps monoclonal anti VRS, le Nirsevimab, dispose, depuis quelques mois en Europe comme aux Etats-Unis, d’une AMM chez les nouveau-nés et les nourrissons au cours de leur première saison de circulation du VRS. Les premiers résultats des études figurant dans le dossier d’AMM, publiés ou présentés à des congrès montrent une meilleure efficacité (plus de 75% de réduction des infections respiratoires basses à VRS) et une utilisation plus simple (1 seule injection intra musculaire pour une protection supérieure à 6 mois) avec des données de sécurité très satisfaisantes. Ces données laissent entrevoir l’impact considérable que pourrait avoir ce nouvel outil de prévention sur les parcours de soins et permettent d’envisager avec intérêt son utilisation dans un programme de prévention saisonnière universelle chez les jeunes nourrissons.

Cependant, nous ne disposons aujourd’hui d’aucune information sur le prix du produit (et à fortiori les rapports coût/efficacité en fonction de l’âge) ni sur le degré d’acceptabilité par les parents.

A ce stade des connaissances, les sociétés savantes de pédiatrie préconisent l’injection systématique d’une dose de Nirsevimab à tous les nourrissons âgés de moins 6 mois durant toute la période épidémique (septembre-octobre à février-mars). Cette injection se ferait idéalement en maternité pour les enfants nés entre le 1er septembre et le 15 Février ou avant le retour à domicile pour les enfants hospitalisés en période néonatale Elle pourrait également être administrée en ambulatoire par les pédiatres, médecins généralistes, PMI et par les sage-femmes pour les enfants non immunisés en maternité.

Pour les enfants plus spécifiquement à risque élevé et prolongé d’infection grave à VRS (ancien prématuré, mucoviscidose et autres affections broncho-pulmonaires chroniques, cardiopathies congénitales, drépanocytose, déficits immunitaires primitifs ou acquis, affections neurologiques ou musculaires graves, trisomie 21…), la prévention par le Nirsevimab devrait s’étendre jusqu’à l’âge de 1 an.

Une campagne d’information nationale portée par l’Etat auprès du grand public et surtout des futurs parents sera indispensable en amont de l’épidémie 2023 pour expliquer les raisons de cette stratégie d’immunisation passive et rassurer les parents inquiets sur le rapport bénéfices / effets secondaires de ce produit pour les plus jeunes enfants.

Ce programme de prévention devra être gratuit et intégralement remboursée sans aucun reste à charge, que ce soit pour les familles ou les établissements de soins.

L’étude de l’impact de cette nouvelle stratégie sera indispensable et pourra être conduite par :

1) Le suivi de plusieurs indicateurs stratifiés sur l’âge à partir des résumés de passage aux urgences remontés aux ARS (réseau OSCOUR©) comme : 

  • Le nombre d’admissions pour infection respiratoire basse (bronchiolite et pneumonies) documentées ou non virologiquement à VRS en précisant : 
    • admission aux urgences (in situ et transferts)
    • admission en soins critiques 
    • recours à une assistance respiratoire, oxygénothérapie, ventilation non invasive ou invasive
    • décès 
    • DMS 
    • caractéristiques des patients (âge, terme, allaitement maternel, co-morbidités, mode de garde, tabagisme pasif, fratrie…) 
    • injection Nirsevimab reçue ou non, dose et date 
  • Un suivi épidémiologique à 1 an permettrait de vérifier l’absence d’effet rebond sur la période épidémique suivante 

2) Le suivi des infections à VRS diagnostiquées en ambulatoire (réseau PARI®, Sentinelles®, SOS médecins) 

L’avis donné par les sociétés savantes de pédiatrie ne concerne que la saison 2023-2024, dans l’attente : 

  • d’une évaluation complète du dossier Nirsevimab (en particulier le rapport coût/efficacité) par la HAS notamment sur l’intérêt de proposer cette immunisation pour aux enfants de 6 mois à 1 an, 
  • de l’évaluation de la place de la vaccination maternelle au troisième trimestre de la grossesse prochainement disponible afin de combiner au mieux ces 2 stratégies d’immunisation. 

Cet avis sera complété et enrichi dans les prochains jours 

A Nantes, le 24 février 2023 

Société Française de Pédiatrie  
Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique,  
Association Française de Pédiatrie Ambulatoire 
Conseil National Professionnel de Pédiatrie


Figure 1 : pics épidémiques de bronchiolites admises aux urgences et vus par SOS tous les hivers (données OSCOUR)

Image

 

Tableau 1. Des gestes simples à adopter pour protéger les enfants et limiter la circulation du virus 

Les parents de nourrissons et jeunes enfants peuvent adopter des gestes barrières et des comportements simples et efficaces pour protéger leurs enfants et limiter la transmission du virus à l’origine de la bronchiolite : 

  • Limiter les visites au cercle des adultes très proches et non malades, pas de bisous, ni de passage de bras en bras, pas de visite de jeunes enfants avant l’âge de 3 mois ; 
  • Se laver les mains avant et après contact avec le bébé (notamment au moment du change, de la tétée, du biberon ou du repas) ; 
  • Laver régulièrement les jouets et doudous ; 
  • Porter soi-même un masque en cas de rhume, de toux ou de fièvre. Faire porter un masque aux visiteurs en présence du nourrisson ; 
  • Si le reste de la fratrie présente des symptômes d’infection virale même modérés, les tenir à l’écart du bébé à la phase aiguë de leur infection ; 
  • Éviter au maximum les réunions de familles, les lieux très fréquentés et clos comme les supermarchés, les restaurants ou les transports en commun, surtout si l’enfant a moins de trois mois ; 
  • Aérer quotidiennement au moins 10 mn par jour le lieu de vie de l’enfant, en particulier la chambre où il dort, et éviter de fumer à l'intérieur du domicile, en particulier dans la chambre de l'enfant ; 
  • Éviter l’entrée en collectivité (crèches, garderies…) avant 3 mois, ne pas confier son enfant à une garde en collectivité les jours où il présente des symptômes d’infection virale.